répertoire d’objets | CINQ QUESTIONS AVEC CHARLOTTE REX
Pour le Répertoire d’objets, je vais plus loin que le simple catalogue. Le savoir-faire des artisans m’intéresse et me passionne. J’ai envie de leur poser des questions, de fouiner, d’élaborer un peu. De façon simple et concise, je vous ferai découvrir différents créateurs dans cette série 5 questions avec. Voici Charlotte Rex.
Il y a de cela quelques années déjà, j’ai eu envie d’ajouter une ilustration à mon logo de style handwriting. J’ai pris mon temps – comme je le fais toujours – je ne suis tellement pas impulsive. J’admirais souvent le travail de Charlotte Rex sur Instagram, puis j’ai réalisé que son style et ses inspirations me plaisaient beaucoup et compléterait parfaitement le branding d’Atelier Camion. Je lui ai donc demandé de me créer un petit camion unique, en noir et blanc, d’allure blockprint. C’est elle qui a eu l’idée d’en faire un camion-maison, de face, avec même la petite cheminée.
Voici mon petit entretien avec Charlotte, tatoueuse et illustratrice.
Q – Tu es devenue tatoueuse après avoir complété des études en photographie. Depuis combien de temps fais-tu ce métier? Est-ce que ton passé en photographie est un avantage, tu crois?
R – Mes études en photographie m’ont en quelque sorte guidées vers le tatouage, surtout parce que c’étais mon sujet de procrastination préféré. La photo a aidé à développer mon regard et ma critique, mais j’y ai surtout trouvé une ligne conductrice, une esthétique personnelle. Je n’ai pas vraiment travaillé en photographie, je me suis vite rendue compte que j’avais surtout envie de créer pour moi-même, et non par contrat pour les autres. Bon, c’est un peu comme ça que ça fonctionne dans le tattoo, mais c’est beaucoup plus moitié-moitié, assez pour satisfaire mon envie de création personnelle et surtout celle de créer avec mes mains.
Q – Tu travailles en noir seulement, tu as un style bien reconnaissable et semble t’inspirer souvent de la nature. Peux-tu me décrire ton processus créatif, ton style?
R – Je me suis dirigée vers un style de gravure à cause de mon côté minimaliste, de mon attirance de tout ce qui est rustique, mais surtout pour mon amour des textures. Je ne voudrais pas citer mes résultats de test de personnalité de magazines d’ado, mais j’étais toujours étonnée d’être pas mal égale auditive, visuelle et un tantinet plus kinesthésique. Oui j’aime ça toucher. Je crois que c’est un point important dans mon cheminement. Bon, il faut mettre au clair que non, je n’aime pas spécialement toucher la peau des gens, c’est pas ça que je veux dire. Je veux dire que ce qui est riche en textures attire beaucoup plus mon oeil; les tricots en laine l’emportent facilement sur les poly-goretex-sulfate-patentes, que ce sois dans mes créations visuelles ou dans ce que je porte. J’ai grandi sur une ferme, entourée de bois, de poil, de poussière et de nature. Ça joue pour beaucoup dans les sujets que j’aime aborder. La gravure s’est imposée aussi parce que c’est ce que je voulais porter. Au départ je me suis remise au dessin surtout pour mettre sur papier ce avec quoi je voulais me décorer. Encore là, la nature était mon sujet d’intérêt. Après un certain temps, ça été dur de tracer la ligne entre ce que je voulais faire mien et ce qui était mon art que je voulais partager avec les autres. Depuis quelques année c’est un style qui a pris beaucoup de popularité dans le tatouage. Malheureusement, aujourd’hui je surfe dans un ras-de-marée de « blackworkers» comme on s’appelle entre tatoueurs. Alors, c’est un plus par les sujets que je veux me démarquer, plutôt que par le style.
Q – Lorsque quelqu’un te choisit comme tatoueuse, comment abordes-tu le projet, de l’idée au tatouage?
R – C’est différent pour chaque projet. Parfois quelqu’un prend un de mes dessins et le veut à tel endroit. D’autre fois, quelqu’un a une idée particulière en tête et me demande de l’illustrer mais ne sait pas où la mettre. Des fois, quelqu’un veut remplir une partie précise de son corps, mais ne sais pas trop avec quoi. Il arrive des fois que quelqu’un me demande de m’inspirer d’une illustration ou d’un tattoo qui existe déjà. C’est toujours un peu un défi. L’important pour moi c’est que ce soit une collaboration. Je veux pouvoir personnaliser la pièce que je fais, y mettre une touche personnelle et une touche du futur tatoué. J’aime beaucoup faire des jeux de mots visuels, faire des hybrides. Mais garder ça simple. Ça m’arrive de refuser des projets, pour pleins de raisons. Le plus souvent parce que je n’ai pas envie d’offrir un « service » de tatouage mais plutôt de tatouer mes illustrations.
Q – Tu me sembles mener une vie très créative et un peu bohème. Quels sont tes projets? Et tes rêves les plus fous?
R – J’ai la vilaine manie de vouloir tout faire. À chaque fois que je réalise un projet, mon cerveau en commence un nouveau sans m’en parler clairement. Je ne sais pas encore si c’est bien ou mal, je sais juste que c’est pas toujours facile à gérer. Je suis contente d’avoir réussi à donner une place si importante à la création dans ma vie. Maintenant, je voudrais redonner une place à la nature. J’essaie de faire le plein quand je me promène, mais je crois que j’ai besoin de vivre les deux pieds dedans. J’ai aussi envie recommencer à écrire. J’aimais déjà les productions écrites au secondaire mais je me suis régalé de mes cours au cégep: grâce à eux je me suis mise à faire des oxymores visuelles. C’est même ce sur quoi j’ai basé tout mon projet « superstition » qui était mon premier gros projet d’exposition d’illustration. Je vais probablement retremper mon crayon dans l’écriture bientôt.
Photos gracieusement offertes par Charlotte Rex
Q – Enfin, j’aimerais connaître 5 des personnes, lieux ou objets qui t’inspirent et/ou t’influencent le plus actuellement.
R – Depuis toute petite, je passe beaucoup de temps sur la route, et je suis une passagère plutôt silencieuse. J’ai toujours le nez collé à la fenêtre et j’y trouve beaucoup d’idée. Un peu parce que tout va trop vite pour que mon esprit se fixe et je me met à divaguer dans ma tête. Aussi parce que des fois, j’aperçois quelque chose au loin mais je n’ai pas le temps de voir ce que c’est, alors ça laisse mon imagination travailler. Je crois qu’ailleurs que dans la nature, je puise souvent des idées dans des expressions et des traits culturels. Edward Gorey est un illustrateur que j’utilise beaucoup comme référence. Il travaille beaucoup les textures lui aussi, mais avec une touche un peu plus creepy. Je viens malheureusement seulement de redécouvrir Beatrix Potter, j’ai sûrement déjà vu son travail étant petite, mais ça vient de refaire surface et je sais que ça va teinter beaucoup mon travail dans l’avenir. Les livres d’illustrations scientifiques seront toujours ma plus grande quête dans les friperies et marchés aux puces. J’aime beaucoup l’exactitude des espèces. Par exemple, je ne dessinerai pas un mouton, il va falloir que tu choisisses si tu veux un mérinos, un polypay ou un suffolk. Donc, grosso modo, c’est pas mal la nature qui m’inspire.
Répertoire d’objets (Cinq questions avec) est une série visant à accumuler et créer un catalogue d’objets d’ici et d’ailleurs, créés avec goût et savoir-faire. Je vise à remplir mon camion virtuel de toutes ces choses qui rendent la vie plus belle sans l’encombrer, qui sont durables, utiles, originales, bien conçues. Je tenais autrefois un blogue (sur blogspot!!) qui répertoriait plein de trouvailles et d’objets d’artisans et de créateurs. Comme c’était populaire et que ça me manque, je recommence. Il y a tant de belles choses à découvrir.